Consolation

Prédication Jean 15, 26-16,4 (Dimanche Exaudi) Lucerne 2025

Aujourd’hui j’aimerais évoquer avec vous un sujet dont on attend beaucoup, mais que l’on a du mal à cerner. Je veux parler de la consolation. Qu’est-ce qu’est la consolation ?

J’ai commencé par chercher une définition, d’ailleurs pas si facile à trouver, mais à quoi sert Internet ! On trouve sous ce terme des explications comme :

Soulagement donné à l’affliction, à la douleur, au déplaisir de quelqu’un.

Se dit aussi d’un véritable sujet de satisfaction et de joie. C’est une grande consolation pour un père de voir ses enfants réussir dans leur carrière.

Il se dit également des discours, des raisons que l’on emploie pour consoler quelqu’un ; et, dans ce sens, il se met fort souvent au pluriel. Adresser des consolations à quelqu’un. Recevoir des consolations. Repousser les consolations de ses amis. Les consolations de l’amitié. C’est parmi vous que j’irai chercher des consolations. Les consolations spirituelles. C’est une triste consolation que vous me donnez là.

Il se dit encore quelquefois de la chose ou de la personne même qui console. Par exemple on peut dire : La philosophie est sa consolation ou d’une personne qu’elle est le soutien et la consolation de ma vieillesse. Seulement, vous l’aurez remarqué, ces expressions ne vous expliquent pas vraiment comment comprendre la consolation.

Prenons une expression comme « le lot de consolation ». Savez-vous ce que cela signifie réellement, ce lot que l’on donne à la suite d’un échange ? A quoi sert-il: est-ce un don, mais à quoi bon ce don, si l’échange a été juste? Alors le lot de consolation n’indiquerait-il pas que l’échange a été tellement injuste qu’il s’agit de consoler celui qui a été trompé ? Mais la consolation ne s’effectue- t- elle pas par une confusion, un peu comme on console un enfant en lui changeant les idées, parce que précisément, on est incapable de le consoler sur le point qui l’afflige. Ainsi on l’envoie en vacances au bord de la mer…, avec son affliction ou soninfirmité. Certains diront que dans l’église catholique la vierge Marie est la consolatrice des affligés, mais, et c’est toute la difficulté, à condition qu’on aille vers elle comme un enfant.

J’ai aussi ouvert le Catéchisme protestant et j’ai découvert à ma grande surprise que le mot consolation n’est mentionné que deux fois, sans autres explications. Est-ce la consolation ne mériterait-elle pas d’être traitée dans nos Eglises alors que tant de personnes y viennent pour être consolées ?

Le texte de l’évangile en nous parlant d’un consolateur qui va venir veut répondre à notre questionnement, aussi à l’attente que nous avons par rapport au message que les textes bibliques nous transmettent. Jésus en évoquant le consolateur veut plus que nous consoler avec des bonnes paroles qui sont davantage tournées vers le passé que vers l’avenir. Jésus, lui, nous parle de l’avenir, il nous invite à envisager l’avenir avec confiance, à ne pas rester attachés à un passé révolu que nous ne pouvons changer.

Un jour, Jésus avait appelé les disciples pour en faire des pécheurs d’hommes, cet appel est toujours là. Ils sont appelés à gagner les hommes pour le royaume de Dieu, surtout maintenant dans ce temps après Pâques. Les disciples plus que jamais sentent la difficulté de la tâche. Pourtant, ils n’ont pas à chercher en eux-mêmes la force et le courage qui leur manquent. L’esprit de Dieu viendra pour les soutenir dans leurs efforts. Il leur promet une consolation, l’envoi d’un consolateur, l’esprit de vérité. Mais la vérité peut parfois déranger. Il arrive que nous n’aimions pas entendre cet esprit de vérité, nous fermons volontiers les yeux. Il ne s’agit pas d’une consolation à la légère. Le consolateur ne vient pas seulement pour notre défense, en réparation d’une injustice, il vient aussi en accusateur, il pointe du doigt l’injustice et mesure le monde à l’aune de ce que Dieu aimerait pour nous. Un consolateur accusateur, ce n’est pas ce que nous attendions. Il faut admettre, il est si difficile de se conformer à ce que l’évangile nous demande. Nous avons donc bien besoin de ce consolateur que Jésus nous a promis, c’est par lui et avec lui que nous allons pouvoir aller de l’avant.

Nous avons tous le rêve d’une vie réussie, mais ce rêve ne se réduit pas à un bonheur individuel. Il s’agit bien plutôt d’un rêve, que Dieu lui-même nous communique, et ce rêve nous renvoie à d’autres dimensions. « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils son unique … pour que nous ayons la vie éternelle. Il ne s’agit pas seulement d’un bonheur individuel, Dieu demande plus que cela. J’aimerais utiliser une image pour le dire : l’être humain qui trouve son bonheur en Dieu est comme une pierre qui tombe dans l’eau et décrit des cercles. Tracer des cercles, voilà ce que Jésus demande, autrement dit, devenir des pécheurs d’hommes, donner une voix au consolateur. Il nous est demandé de prendre position contre la mort, d’être aux côtés des personnes qui sont humiliés, laissés pour compte, sur le bord du chemin.

Elie Wiesel la formulé ainsi : Je rêve d’un monde, dans lequel les hommes ne cherchent plus à conquérir et à soumettre les autres pour prouver et affirmer leur propre supériorité. D’un monde, dans lequel les esprits de racisme, d’antisémitisme et de fanatisme restent enfermés dans leurs prisons. D’un monde, dans lequel l’homme en dépit de son passé pesant trouve dans l’autre plus de raisons d’espérer que de pleurer. Bref, d’un monde, dans lequel la parole ne fait pas que consoler, mais soit une bénédiction.

Un consolateur qui non seulement console, mais qui est bénédiction, qui agit, fait le bien qui a son origine en Dieu. C’est un tel consolateur que Jésus nous a promis. Ses disciples l’ont reçu le jour de la Pentecôte, nous l’avons reçu le jour de notre baptême. Depuis il habite en nous. Avec l’effusion de l’Esprit nous fêtons la naissance de l’Eglise, cette Eglise qui est appelée à garder vivant le rêve de Dieu et à aider à le réaliser. Et pourtant nous savons que l’esprit souffle où il veut, qu’il ne se laisse pas enfermer dans nos Eglises, dans nos théologies, dans nos dogmes. Heureusement, l’esprit de Dieu ne connaît pas de frontières, car Dieu a promis son esprit à tout homme quelque soit sa foi, sa couleur de peau, son opinion politique. Les frontières sont le résultat de l’action des hommes, souvent d’ailleurs par peur, par besoin de se protéger. Et force est de constater qu’il y a beaucoup de violence parmi les hommes, beaucoup d’injustice qui engendre une envie irrésistible d’acquérir par la force ce que l’on ne peut obtenir autrement. Il s’agit alors d’aller au-delà de tout ce que sépare et détruit.

Essayons donc de mettre en pratique ce que Jésus demande en disant : Aimez-vous les uns les autres, soyez miséricordieux et doux et humbles de cœur. Que cela n’est pas facile, nous le savons tous. Mais ce qui est encore plus difficile, c’est de s’insurger contre l’injustice, c’est de bousculer des convictions et des structures bien établies, de les critiquer et de donner mauvaise conscience à ceux qui se croient au-dessus de lois. Il faut parfois accepter d’être exclu, comme les premiers chrétiens qui quittent la synagogue, et même, comme dit Jean, l’heure vient où quiconque vous fera mourir croira rendre un culte à Dieu. Et ils agiront ainsi, parce qu’ils n’ont connu ni le Père ni moi. Car, quand on connaît Jésus, on sait que l’Esprit est donné à tous, sans distinction. L’amour de Dieu, sa miséricorde et sa grâce sont plus grandes que nous ne pouvons l’imaginer. Pensez aussi à la Jérusalem céleste où tout homme mangera de l’arbre de la vie. Et sur le chemin qui nous y mène, nous avons un compagnon de route fidèle.

A la fin nous verrons plus clair, nous n’aurons plus besoin de bougie pour éclairer le chemin. Dieu lui-même sera notre lumière, et dans sa maison une table est dressée. Et l’esprit de vérité remplira les verres et nous allons boire ensemble et fêtez la plénitude de la vie en Jésus Christ. C’est que la vérité doit être un chemin, une aventure puisqu’il faut être guidé par l’Esprit. D’autant plus que Jésus parle au futur, c’est que la vérité est en avant, plus loin, qu’il faut l’atteindre, c’est une conquête à entreprendre, un chemin à parcourir, un but à approcher. Amen

prédication de Régine Lagarde