Pâques… et après ? (Luc 24. 33-49)

Pâques… et après? (Luc 24.33-49)

Cela fait plus d’un mois que la prédication que vous allez entendre est en travail. Très vite m’est venue la conviction de prendre ce passage de l’évangile selon Luc qui parle du soir de Pâques, alors que d’habitude on prend plutôt un des récits du matin de Pâques. Il vaut mieux commencer de préparer une prédication assez tôt; bien des choses mûrissent en chemin; petit à petit apparaissent des idées, des pensées, des exemples ou encore des questions. C’est effectivement ce qui s’est produit il y a quelques jours dans un magasin: une personne m’a reconnu et a profité de me poser une question: « Est-ce qu’on sait quelque chose de Jésus après Pâques? On ne le voit plus. Qu’est-ce qui s’est vraiment passé et comment le savoir? ». J’ai simplement répondu à cette personne que le texte biblique que j’étais en train d’étudier et de méditer contient bien des éléments de réponse à cette question et j’ai promis à cette personne de lui passer une copie de la prédication que j’étais en train de préparer.

Le soir de Pâques, un groupe d’une bonne quinzaine de personnes était réuni (33), les disciples et quelques autres personnes qui les ont rejoints. Et dans ce groupe, on parlait de ce qui venait d’arriver le matin, de ce que Marie de Magdala et quelques autres femmes leur ont dit, de ce que Simon leur a raconté (34b; voir I Corinthiens 15.5), de ce que leur ont annoncé les deux disciples d’Emmaüs qui venaient d’arriver (33). Ces personnes viennent de vivre en quelques jours toute une série d’événements importants: l’arrivée de Jésus à Jérusalem, son « procès » et la façon cruelle dont il a été exécuté, son ensevelissement… et maintenant la surprenante et étonnante nouvelle qu’il serait ressuscité. Chacune de ces personnes a bien entendu vécu les choses à sa façon; chacune a besoin de s’y retrouver et de bien comprendre ce qui s’est passé. Ce n’est donc pas pour rien qu’elles se sont retrouvées à plusieurs ce soir-là au lieu de rester chacune dans son coin. Elles peuvent parler les unes avec les autres. Il y a donc une ouverture, une attente de leur part.

Cependant, ces personnes sont tout à coup surprises. Jésus lui-même se présente à elles. C’est un choc pour elles; elles sont même épouvantées… même si elles étaient en train de parler de lui! Elles pensent à un esprit, à un fantôme. Elles ont peine à croire que c’est vraiment Jésus. Rassurez-vous: cela a quelque chose de très positif: on ne saurait prétendre qu’elles se seraient fait des idées, qu’elles auraient imaginé quelque chose. C’est même un élément important, un témoignage solide: c’est bien Jésus lui-même qui est là, et c’est bien lui qui leur parle. Il leur souhaite tout d’abord la paix (36), ensuite il leur pose une question: « Pourquoi êtes-vous troublés? » (38). Et il leur montre ses mains et ses pieds qui portaient probablement encore les traces des clous. Mais cela n’a pas encore suffi et Jésus continue en leur demandant quelque chose à manger; il ne mange pas parce qu’il aurait faim, mais simplement pour leur montrer très concrètement que c’est bien lui. Ainsi les disciples peuvent le reconnaître à sa voix et à ses gestes.

Il importe de bien comprendre la question qu’il leur pose: « Pourquoi êtes-vous troublés? ». Cette question n’a rien d’écrasant, de négatif ou de culpabilisant. Cette question est très positive et elle est surtout une invitation, une invitation à découvrir que Jésus est bien vivant, une invitation aussi à accueillir la bonne nouvelle de Pâques. Mais il est parfaitement compréhensible que les disciples aient d’abord été surpris et effrayés (on le serait à moins); et il serait un peu facile de leur reprocher leur incrédulité ou mieux leurs doutes. Loin de leur faire des reproches, Jésus, avec bonté et patience, leur offre des signes concrets. Il vient au secours de leurs doutes et il souligne la réalité de sa résurrection. Il le fait en leur donnant des signes qui ne trompent pas des gens qui ont longtemps partagé sa vie: ses mains, ses pieds, sa voix. Mais cela ne suffit pas encore; alors Jésus se met à manger devant eux, nullement par faim, mais pour convaincre encore mieux ses disciples. Et surtout – chose remarquable – il en appelle à ce qu’il leur avait déjà souvent dit et enseigné (44) bien avant sa mort et sa résurrection. Maintenant que les faits se sont produits comme il le leur avait annoncé, ses paroles acquièrent encore plus de force. Maintenant que les faits annoncés ont eu lieu, tout va s’éclairer pour les disciples. Jésus est bien l’envoyé et le fils de Dieu; et sa résurrection aussi est révélation de ce que Jésus est (ce n’est certainement pas par hasard, ni un peu superficiellement qu’il leur a dit: « C’est bien moi » (39; à rapprocher de Jean 4.26; 6.35; 8.12; 10.11; 14.6). Et il faut aussi bien remarquer que Jésus prend soin de les renvoyer à la Bible (44-45); il leur parle de tout ce qui est écrit de lui « dans la loi de Moïse, dans les prophètes et dans les Psaumes » (44: ce sont les trois parties de l’Ancien Testament selon l’ordre hébreu). Il leur montre ainsi qu’il y a tout une remarquable cohérence dans le message biblique. Remarquez bien que Jésus attache toujours beaucoup d’importance à la Bible.

Mais attention, ce n’est pas fini! Après avoir fait de nombreuses références au passé pour aider ses disciples et ses amis à le reconnaître, Jésus se met à leur parler de l’avenir. Comment cela va se passer ensuite? Jésus va prendre encore quarante jours pour rencontrer beaucoup de ses amis et de ses disciples et pour leur montrer qu’il est bien ressuscité. Après sa résurrection, après Pâques, Jésus n’a pas disparu; loin de là. Il n’a donc pas été nécessaire de lancer un avis de recherche, ni d’envoyer des équipes de secours pour essayer de le retrouver. Après Pâques, Jésus a vraiment pris du temps pour ses disciples et pour bien d’autres personnes; pendant ces quarante jours, il les aidera à constater qu’il est bien vivant et à s’affermir dans la foi en lui. Il est même permis de dire que leur lenteur à croire et leurs doutes sont providentiels: nous sommes assurés qu’ils ne se sont pas laissé prendre par un enthousiasme passager, qu’ils n’ont pas pris leurs rêves pour la réalité et qu’ils n’ont rien inventé. Leurs lents cheminements sont donc des garanties de la véracité et de l’authenticité de leurs témoignages. Lorsque par la suite, ils parleront de Jésus, lorsqu’ils annonceront qu’il est bien vivant, ils diront quelque chose de solide, sans rien d’imprécis, ni d’approximatif. Ce qui est très important. Cela prépare aussi la rédaction de chacun des quatre évangiles.

Et Jésus charge ses disciples d’aller apporter plus loin la nouvelle de sa résurrection, la bonne nouvelle du pardon des péchés et du salut (47). Et pas seulement tout près de chez eux; Jésus parle même de toutes les nations. Autant dire que le message est aussi pour nous maintenant! En effet, ce n’est pas pour ses disciples uniquement que Jésus, ressuscité, a pris tout ce temps pendant quarante jours. L’événement de Pâques a une portée large, très large, mondiale même: la nouvelle, la bonne nouvelle de l’Evangile doit être répandue « dans toutes les nations » (47). Ce que Jésus a accompli par sa mort et sa résurrection ne concerne pas uniquement un petit groupe de privilégiés, de « petits-choux », ces quelque 15 à 20 personnes réunies au soir de Pâques. Grâce aux disciples, grâce à leur témoignage (oral d’abord, puis consigné dans les évangiles), la nouvelle, la bonne nouvelle de Pâques s’est répandue et se répand encore. Nous aussi nous entendons parler de Jésus et nous sommes mis en sa présence. Ce n’est pas un hasard; Jésus l’a voulu ainsi pour que nous puissions nous aussi vivre de sa présence, de son pardon (49) et de sa paix (36). Restons jour après jour dans la présence, dans la joie et la paix de Jésus Ressuscité. Amen.

Marc Bridel Prédication pour le culte du 20 avril 2025, à l’Eglise française de Lucerne.

Autres notes.
– Jésus annonce à ses disciples qui viendra le remplacer (49): le Saint-Esprit. Il me semble que l’on peut expliquer la relation entre Jésus et le Saint-Esprit de la manière suivante: elle est un peu comme la relation entre un auteur et son éditeur; Jésus a fait un livre, une œuvre absolument unique et le Saint-Esprit a édité et diffusé le message; il l’a aussi traduit, puisque que la Bible est actuellement traduite dans plus de quatre cents langues.
– Il faut bien faire la différence entre « doute » et « incrédulité ». L’incrédulité, c’est le refus de croire, c’est une fermeture. Le doute, c’est avoir de la peine à croire et à comprendre; c’est aussi essayer de comprendre et c’est rester ouvert malgré tout.