Marc 1. 1-4 + 9-11 ; Esaïe 40. 1-5, 9-11
« Commencement de l’Evangile de Jésus-Christ Fils de Dieu. » C’est ainsi – vous l’avez entendu – que débute l’Evangile selon saint Marc. Au départ, l’Evangile n’est pas du tout un livre. Traduit en français, ce mot signifie simplement « la bonne nouvelle ». Une des premières fois qu’apparaît ce terme c’est dans l’Ancien Testament, dans le livre d’Esaïe lorsqu’il parle de la beauté « du messager qui annonce…l’évangile » (Es. 52,7). Or cette bonne nouvelle pouvait avoir une signification très précise. C’était la nouvelle du messager, du soldat, qui se précipitait auprès des villes proches pour annoncer qu’une bataille militaire venait d’être gagnée afin que les habitants puissent préparer la fête qui accompagnerait l’entrée dans leurs murs du triomphateur et de ses troupes. En l’occurrence Esaïe annonce donc que Dieu, en la personne de « Jésus-Christ, Fils de Dieu », va venir lui-même vers son peuple pour lui annoncer cette nouvelle fantastique : il a gagné. C’est ça, l’Evangile, la bonne nouvelle.
Et d’une telle nouvelle nous en avons bien besoin à l’issue d’une année où la réalité semble affirmer tout le contraire, avec, au niveau mondial, la guerre en Ukraine, la guerre à Gaza, les tremblements de terre en Turquie, au Maroc, les guerres et les crises dans bien d’autres pays et en arrière-plan le changement climatique avec toutes les catastrophes qui s’en suivent déjà et qui, à long terme, pourrait même mettre en danger toute vie sur notre planète. Et ceci sans parler, au niveau personnel, de toutes les mauvaises nouvelles qui ont atteint et bouleversé nombre d’entre nous.
Face à tout cela, Marc vient donc nous annoncer : Dieu, le Dieu d’amour, le Dieu de la vie, oui, Dieu en « Jésus-Christ, Fils de Dieu » a déjà gagné la bataille décisive face à toutes ces forces de la destruction et de la mort. Tout ce que nous vivons de si terrible, ce ne sont que les derniers soubresauts de la mort. Préparons-nous donc à accueillir Jésus-Christ, le vainqueur et à fêter avec lui sa victoire. « Mort, où est ta victoire ? Mort, où est ton aiguillon ? » (1 Cor.15, 55) s’écrie saint Paul
Comment allons-nous accueillir une pareille nouvelle ? A vues humaines, un sérieux scepticisme paraît de mise. Cela paraît bien trop beau pour être vrai. Et pourtant depuis bientôt 2000 ans, des millions et des millions d’hommes, de femmes et d’enfants ont fait dans leur vie l’expérience de cette victoire et ils en ont témoigné. Si vous êtes ici aujourd’hui, c’est sans doute que d’une manière ou d’une autre vous partagez vous aussi la foi en cette victoire de l’amour et de la vie, cette espérance qui permet de vivre et de tenir, parfois même contre toute espérance.
Lorsqu’il nous est donné d’accueillir dans la foi cet Evangile, cette bonne nouvelle de la victoire en Jésus-Christ du Dieu d’amour et de la vie, cela nous incite tout d’abord à la louange et à l’émerveillement devant un pareil miracle. A la louange et à l’émerveillement de ce qu’un nouveau commencement soit devenu possible, que l’humanité et que nous-mêmes personnellement ayons reçu une nouvelle chance, une nouvelle chance au-delà de tout ce qui s’est mal passé jusqu’ici dans le monde et dans notre vie. C’est comme une nouvelle création, une vie nouvelle qui s’ouvre devant nous, pour nous-mêmes et pour le monde. Alors il est bon de prendre le temps de nous arrêter pour nous permettre d’en prendre conscience, puis de nous en réjouir et de chanter, et pourquoi pas, aussi de bien manger et de nous faire mutuellement des cadeaux qui soient l’expression de notre joie et de notre reconnaissance pour la victoire du Christ.
Mais force nous est bien d’avouer que cette victoire n’est pas encore évidente. Elle est le tournant, le tournant décisif. Mais encore faut-il qu’elle déploie toutes ses conséquences. Ce que Marc appelle le Royaume de Dieu, ce que nous appellerions peut-être aujourd’hui le règne de l’amour et de la vie dans le monde n’est pour beaucoup guère encore visible. Comme la graine de sénevé, la plus petite des graines au départ, il faut, pour que chacun puisse le reconnaître et s’en réjouir, qu’il grandisse, qu’il englobe peu à peu la création toute entière jusqu’à ce que Dieu, le Dieu d’amour et de vie soit « tout en tous » (1 Cor. 15.28), comme le formulait saint Paul. Jusque-là, toutefois, il y a encore bien du travail qui nous attend, il y a encore bien des obstacles à déblayer.
C’est à cela qu’appelait Jean-Baptiste ceux qui venaient à lui. « Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers » prêchait-il en reprenant les paroles des prophètes qui à la fin de l’exil babylonien avaient encouragé les exilés à rentrer au pays. Construire une espèce d’autoroute qui permette à la vie et à l’amour de mieux avancer. Creuser des tunnels et construire des ponts là où les incompréhensions et les blessures, là où la haine et l’esprit de vengeance empêchent encore la justice et la paix.
Tous ceux et toutes celles qui étaient prêts à contribuer à cet immense travail de construction d’un monde tel que Dieu depuis toujours l’a voulu, Jean les appelait à recevoir le baptême. Ce baptême était et est toujours le signe visible de ce que Dieu, malgré tout ce qui jusque-là a pu mal se passer dans notre vie, est prêt à nous embaucher comme ses collaboratrices et ses collaborateurs. « Et des cieux vint une voix : Tu es mon Fils bien-aimé (ma Fille bien-aimée), il m’a plus de te choisir. » Cela vaut pour Ivana, mais cela vaut aussi pour nous tous, puisque tous, probablement, nous avons été baptisés. Et cela vaut pour tous ceux qui, sans encore avoir reçu ce signe cette attestation d’embauche, sont prêts à se mettre au travail avec et à la suite de Jésus.
Alors mettons-nous au travail avec des forces et un courage renouvelés et préparons-nous, en ce temps de l’Avent, à recevoir et à fêter celui qui dit de lui-même : « Je suis le chemin, la vérité et la vie » (Jean 14.6). Amen.
Lucerne, le 3 décembre 2023