CULTE du 21 mars 2021 à Lucerne

Temps de la Passion : Les villes de refuge

Josué 20,1-9 ; Psaume 91,1-12 ; Marc 1, 9-17

En ces temps où nous sommes ballottés par des vagues contradictoires, à savoir celle du temps de la Passion qui nous amène à la lumière de Pâques, porteuse de Bonne Nouvelle et celle du Corona, un virus porteur de mauvaise nouvelle, nous avons tendance à nous protéger, à chercher un refuge sécurisé.

Or dans le jura ou dans nos Alpes, il y a plein de refuges. Certains sont des chalets d’Alpage, d’autres du Club Alpin ou des Amis de la Nature. J’en connais un : la Geltenhutte, la hutte de la Gelten, là, tout en haut à 2500 m. d’altitude, au-dessus de Sion, capitale du Valais.

Leur but : accueillir les touristes qui préfèrent la montagne à la mer pour une nuit ou deux…

Mais parfois, pour ne pas dire souvent, le mauvais temps nous joue des tours et ces refuges deviennent alors des lieux de sauvetage pour les marcheurs surpris par la météo ou par la nuit qui arrive trop vite parce que nous n’avions pas prévu que l’escalade serait si longue…

Les premiers refuges de montagne furent dès le Moyen-Age, les hospices, tel celui du Grand-Saint-Bernard ou celui du Simplon pour les voyageurs de l’époque qui ne connaissaient pas les commodités actuelles : routes goudronnées et entretenues et automobiles ce qui signifie mobiles qui avancent par eux-mêmes. Rappelez-vous les diligences tirées par des chevaux harassés. Combien de jours fallait-il pour traverser les Alpes ?…

Les villes de refuges, dont parle le livre de Josué, avaient un autre but !

Par exemple protéger un meurtrier involontaire d’un vengeur de sang.

Dans le peuple d’Israël d’alors, au moment de l’installation en Canaan, il y a bien longtemps (il y a 2900 ans), on se faisait justice soi-même ! Si un meurtre était commis, volontairement ou involontairement, le plus proche parent de la victime avait le droit de tuer le meurtrier en toute impunité. Ce justicier s’appelait ‘le vengeur de sang’.

Et voilà que l’Eternel demande à Josué d’accorder des villes refuges en faveur de meurtriers involontaires, des villes qui accorderaient le gîte, le couvert, etc. pour le temps nécessaire à la résolution du drame.

Cette institution des villes refuges n’a aucun équivalent dans toute l’Antiquité, orientale ou occidentale. Elles sont typiques de la communauté d’Israël.

Six villes refuges ont été instituées et trois d’entre elles, et c’est là que nous nous sentons concernés, se trouvent dans les montagnes.

Si l’historicité de cette institution n’est pas attestée dans d’autres textes bibliques, cette décision de l’Eternel m’interroge néanmoins encore aujourd’hui.

Pourquoi Dieu formule-t-il une telle demande à Josué ?

Avec une telle institution, c’est la fin de la justice immédiate, de la vendetta chère aux Corses et aux autres… C’est la fin du fameux « œil pour œil, dent pour dent » !

C’est le début de la justice moderne avant l’heure où le meurtrier présumé a le droit d’être entendu, accueilli et jugé équitablement.

Eh oui, même meurtrier, il n’en demeure pas moins un homme qui a droit à l’asile et à la protection.

Ces villes de refuge offrent cette distance entre le meurtrier et son vengeur, pour un jugement dépassionné. Et vous l’aurez remarqué, cette justice n’est pas seulement accordée aux fils d’Israël mais aussi à l’émigré, au réfugié.

Après les tergiversations européennes, à Strasbourg ou à Bruxelles, où le populisme essaye de s’imposer en Europe au dépends des réfugiés qui nous arrivent par la grande Bleue, la Méditerranée, ce texte nous interroge sur notre devenir.

Nous avons vécu en Afrique quelques années et à notre retour, c’était en 1981, circulait une initiative populaire qui s’appelait : « Être solidaire ». Elle a été balayée par le peuple …

Nous avions alors récolté des signatures et notre déception a été à la hauteur de l’échec.

Comment ne pas être un peu plus solidaire dans un monde où le chacun pour soi a tendance à s’imposer !

Pour moi, il est clair que nous avons une responsabilité vis-à-vis de ceux qui sont dans la peine.

Alors aujourd’hui en 2021, a-t-il un sens, pour nous, ce texte de l’Ancien Testament, qui relate un épisode vieux de près de trois millénaires.

Notre système judiciaire n’est-il pas construit sur un modèle nous interdisant depuis longtemps de faire justice nous-même ?

En théorie, oui, car il suffit d’ouvrir les journaux dans les faits divers pour apprendre que tel ou tel a été assassiné pour des raisons souvent futiles sans parler de la violence domestique qui fait des victimes tous les jours que Dieu crée, surtout en ce temps de pandémie !

Ainsi, aujourd’hui comme autrefois, nous avons un ardent besoin de refuges !

Alors la question qui pourrait être posée ce matin est celle-ci : «  que mettons-nous en place concrètement dans nos journées dans l’organisation de notre temps… pour protéger notre vie et celle des autres qui nous entourent des dangers qui guettent, quand il n’y a pas assez de lieux de repos et de recul entre soi et moi¸ entre les autres et moi, entre ce qui nous arrive et ce que nous voulons en faire.

Comment nous mettre à l’écart des pressions constantes que nous subissons : pression du travail qui ne parle plus que de performance et de rentabilité, pression de la vie familiale qui doit se réinventer dans une société aux valeurs de plus en plus instables, surtout dans les familles recomposées !

Des pressions de toutes parts, surtout en ce moment, qui font que nous sommes de plus en plus fragilisés, trop vite submergés par nos émotions… et nos dettes, avec le risque constant de « péter les plombs » selon l’expression consacrée, comme des grenades dégoupillées en permanence, prêtes à exploser à la moindre remarque !

Alors, effectivement le texte de Josué nous interpelle ! Ce n’est plus du superflu, cela devient essentiel ! Comment construire un refuge qui nous permette de soigner au quotidien notre vie bousculée ! Comment créer cette distance salutaire qui protégera notre vie et aussi et surtout la vie de nos proches puisque c’est cela que Christ nous demande à nous Chrétiens…

Alors quels sont nos lieux de refuges ? Pour le psalmiste, clairement, c’est Dieu, nous l’avons lu dans le Psaume 91. Dans un autre Psaume (34), on trouve encore ceci : « Heureux l’homme dont Dieu est le refuge ! »

Quel programme ! La force et la solidité de ce refuge qu’est Dieu sont triples : il y a Dieu, mais il y a aussi Jésus le Christ. Pendant tout son ministère, Dieu a été son refuge, ce Dieu qui, le jour de son baptême, a dit : « Celui-ci est mon fils bien-aimé.

Que reste-t-il ? L’Esprit… entre Dieu et Jésus, et entre Jésus et nous !

Cela a l’air abstrait, mais la Trinité c’est cela ! Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le saint Esprit…

Que vous vous adressiez au Père, au Fils ou au saint Esprit, il n’y a qu’un moyen, un moyen concret : la prière !

Depuis des siècles et des siècles, la prière est un lieu de refuge et d’intimité avec Dieu, un lieu de ressourcement qui permet de relâcher les pressions multiples de la vie quotidienne…

La prière est nécessaire et indispensable, pour que nos choix et nos actions aient réfléchi et mûris à la lumière de l’Evangile et de l’Esprit saint.

Faites en sorte qu’il y ait toujours un refuge dans votre vie, quelque part, pas trop loin, quand vous entamez l’Ascension d’un sommet, quel qu’il soit, pour vous donner, pour nous donner toutes les chances d’arriver au but, malgré les dangers et les imprévus de la vie.

Et ce refuge, il n’y en a qu’un c’est Jésus Christ !                     Amen          …